Quel intérêt pour le dosage des anticorps anti-Covid ? Ci-dessous les réponses de Michel Goldman à Laurence Dardenne dans La Libre.

  1. Comment mesure-t-on le taux d’anticorps?

Le test sérologique Covid-19 consiste en une prise de sang suivie d’un dosage dans le sérum d’anticorps produits suite à l’administration d’un vaccin ou à une infection par le virus. Plus précisément, le test évalue la quantité d’anticorps qui fixent la protéine Spike du virus, celle sur laquelle sont basés tous les vaccins anti-Covid-19.

  1. Pratiquement, comment faire? Peut-on se rendre chez son médecin ou dans un centre et demander une mesure du taux d’anticorps pour évaluer l’intérêt ou la nécessité de se faire administrer le deuxième booster?

Il faut consulter son médecin à qui il reviendra de juger de la nécessité de ce dosage en fonction de la situation médicale de son patient. Le cas échéant, il prescrira l’analyse qui sera réalisée dans un laboratoire agréé. Dans la très grande majorité des cas, le coût de l’analyse (9,60 €) sera à charge du patient.

  1. Comment interpréter les résultats?

En se fixant à la protéine Spike, les anticorps anti-Spike produits après vaccination ont la capacité de neutraliser le virus. Il faut toutefois savoir que les anticorps qui protègent le mieux au stade initial de l’infection – immédiatement après la contamination – sont les anticorps produits localement au niveau des muqueuses du nez et du pharynx. Ces anticorps ne circulent pas dans le sang et ne sont que faiblement induits par les vaccins.
Les anticorps mesurés dans le sang vont quant à eux limiter la dissémination du virus dans l’organisme et contribuer ainsi, en collaboration avec des globules blancs appelés lymphocytes, à limiter la gravité de l’infection. Lorsque ces anticorps sont présents en quantité dans le sang, ils peuvent donc être considérés comme l’indication d’une protection probable contre les formes graves de la maladie. A l’inverse, l’absence ou des taux faibles d’anticorps indiquent un risque accru de développer une forme grave du Covid-19. C’est une situation surtout rencontrée chez des personnes immunodéprimées ou très âgées, même après qu’elles aient été complètement vaccinées.

  1. Combien de temps peut-on se fier au résultat? Est-ce un instantané?  Que sait-on de la persistance des anticorps protecteurs?

Les informations disponibles indiquent que la protection contre les formes graves de la maladie est assurée pour 6 mois après avoir reçu la 3e dose. En pratique, la 4e dose (2e rappel) doit être recommandée dès maintenant pour toutes les personnes de plus de 65 ans. Pour les personnes plus jeunes, il n’y a pas d’urgence pour ce 2è rappel sauf si elles sont immunodéprimées ou ont d’autres facteurs de risque. Il existe de très rares exceptions à ces recommandations, notamment une réaction anormale à une dose antérieure du vaccin. Il faut noter que ces recommandations pourraient évoluer à mesure que s’accumulent les connaissances sur les variants en circulation.

  1. Que peut-on dire de la prévalence des anticorps dans la population vaccinée, d’une part, et chez les non-vaccinés, d’autre part? A-t-on des indications (chiffres) à ce niveau?

Les dernières données publiées par Sciensano datent de novembre 2021. Elles indiquaient que 95% des personnes vaccinées produisaient des anticorps contre seulement 30% chez les non-vaccinées. Il faut souligner que la protection des personnes non-vaccinées qui ont développé des anticorps suite au Covid est bien moindre que celle des personnes vaccinées qui ont développé une infection bénigne malgré la vaccination. L’infection vient en effet renforcer la stimulation immunitaire par le vaccin.

  1. Y a-t-il un seuil défini à partir duquel on peut estimer être (suffisamment) protégé? Si oui, lequel? Avoir un très haut taux d’anticorps signifie-t-il nécessairement que l’on est à l’abri?

Le seuil qui avait été défini il y a plus d’un an n’est plus d’actualité avec les variants actuellement en circulation. Il faut en effet un taux d’anticorps 2 à 6 fois supérieur pour protéger d’une infection par le variant Omicron. Attention toutefois à l’interprétation de ces données. Aujourd’hui, l’infection par le variant Omicron en circulation (BA.5) est le plus souvent bénigne chez les personnes vaccinées. Les taux d’anticorps qui assurent cette protection vaccinale contre les formes graves sont beaucoup plus bas que ceux qui empêchent l’infection, mais malheureusement nous ne connaissons pas le seuil nécessaire. Et surtout, cette protection contre les formes graves fait aussi intervenir les lymphocytes tueurs induits par le vaccin et ils ne sont pas mesurés dans la pratique clinique quotidienne.

  1. En fonction de quels éléments ce taux peut-il s’avérer bas ou, au contraire, élevé?

Trois facteurs principaux conditionnent le taux d’anticorps et de façon plus générale la protection que le vaccin a induite: la date de la dernière vaccination, une infection Covid récente qui va démultiplier la réponse immunologique au vaccin et la qualité du système immunitaire qui dépend de l’âge, de facteurs génétiques et aussi de maladies sous-jacentes et de leurs traitements.

  1. Le cas échéant, qui devrait en priorité songer à faire un dosage d’anticorps?

Dans la mesure où il ne permet pas de se faire une idée précise de la protection, de façon générale, le dosage des anticorps a une utilité limitée, raison pour laquelle il n’est pas remboursé par l’INAMI sauf dans des situations particulières. Si ce dosage a été fait antérieurement, le médecin pourra parfois juger utile de le refaire pour juger de l’évolution du taux d’anticorps et guider ainsi le moment du rappel.
En conclusion, il ne faut pas croire qu’avec une prise de sang et un dosage d’anticorps, on pourra donner une indication précise  sur le niveau de protection et de risque de faire le Covid. A ce stade, si l’on ne répond pas aux critères établis pour définir les populations à risque, l’intérêt du deuxième booster paraîtrait donc relativement limité, a fortiori si on a fait le Covid. L’indication d’un faible taux d’anticorps (moins de 260 unités BAU/ml) pourrait en revanche être un argument pour faire ce deuxième booster sans attendre.

Article de référence: https://www.lalibre.be/planete/sante/2022/10/11/un-dosage-danticorps-pour-evaluer-linteret-du-deuxieme-booster-fausse-bonne-idee-IREYSSW36REKVEC5AWPSQ3FHKI/